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10
novembre 2021
Vérité
et réconciliation au Canada : l'histoire d'un aîné
« Vous devez attacher une grande importance aux Indiens,
premiers habitants de l'Amérique, car ces âmes peuvent être comparées
aux anciens habitants de la péninsule d’Arabie […] Lorsque la lumière
de Muhammad brilla parmi eux, ils devinrent si embrasés qu'ils
diffusèrent la lumière dans le monde entier. De même, si ces Indiens
sont éduqués et guidés comme il convient, il ne fait aucun doute que,
par les enseignements divins, ils deviendront si illuminés que la terre
entière sera illuminée. »
— 'Abdu’l-Bahá
Dans le récit d'une vieille histoire par Louise Profeit-LeBlanc, c'est
un récit sinistre qui se termine par l'espoir. Un village non préparé a
été perdu, mais l'aînée sage et rusée survit et partage son histoire
avec d'autres pour éviter une nouvelle tragédie. Mme Profeit-LeBlanc, «
Tsé Itzoh » (Femme castor), membre de la Première Nation Na-Cho Nyak
Dun (Mayo, Yukon), a utilisé l'histoire du harfang des neiges pour
terminer sa présentation devant un auditoire virtuel de plus de 130
personnes dans un épisode opportun de la série «
Grandes idées » de la
communauté bahá'íe d'Ottawa.
Pour Louise – artiste, conteuse et grand-mère – l'histoire est
rédemptrice. La femme sage a gagné. L'équilibre a été rétabli. Après la
calamité, le peuple a juré de détruire la bête qui avait englouti tant
de personnes. Le Canada se trouve aujourd'hui à un tournant similaire,
et le nombre croissant d'enfants et de jeunes autochtones perdus est
dans tous les esprits ces jours-ci.
Louise a d'abord parlé à ses auditeurs de sa tante Molly, une enfant
perdue dans les griffes du système des pensionnats. Un jour, ses frères
n'ont pas pu trouver la petite Molly dans la cour de l'école. Quelque
temps plus tard, ils ont appris qu'elle était décédée – avec des
parents non informés, son lieu de sépulture inconnu et son frère,
seulement un enfant lui-même, accablé par la culpabilité que c'était
lui qui avait laissé tomber Molly et non les adultes en charge. La
Commission de vérité et réconciliation du Canada a entendu plus de 6
000 témoignages de ce genre d'autochtones « élevés sans leurs parents
». Comment vont-ils avancer, et nous tous aussi ? Selon les mots du
président de la CVR, Murray Sinclair, le progrès se produit « un esprit
à la fois ».
Louise a fait
remarquer
qu'en tant que bahá’íe, « nous sommes invités à
être des chercheurs de vérité ». Cette quête de la vérité est souvent
appelée le premier principe de Bahá’u’lláh, le prophète fondateur de la
foi. Il a également appelé la justice « la plus bien-aimée de toutes
choses », et a fait cette déclaration profonde :
«
La lumière des hommes est la Justice. Ne l'éteignez pas avec les vents
contraires de l'oppression et de la tyrannie. Le but de la justice est
l'apparence de l'unité entre les hommes.
Tous les peuples ont souffert, y compris de nombreux colons qui ont fui
vers ces rivages. Que nos ancêtres aient été déracinés de d'autres
continents ou aient enduré des siècles d'oppression alors qu'ils
étaient indigènes de celui-ci, Profeit-LeBlanc a insisté : « La
réconciliation est une montagne, et nous devons tous la gravir
ensemble. »
La CVR a énuméré 94 recommandations, la plupart adressées à des
individus et à des groupes. La communauté bahá’íe canadienne reconnaît
les vérités douloureuses des pensionnats et préconise une approche de
la justice guérissante et unifiante. Pourtant, Louise a demandé : «
Quand nous avons de la haine, comment la transformer en joie ? Quand
nous sommes en colère, comment la transformons-nous en amour ? »
Contraints par la découverte de 215 tombes près de l'ancien pensionnat
de Kamloops, Louise et son mari ont construit un feu sacré - 215
pierres, représentant les enfants perdus, ont été déposées en un motif
d'étoile rayonnant, chacune au rythme d'un tambour. C'est un exemple du
pouvoir de la cérémonie.
En 2021, les baha'is du monde entier commémorent le centenaire du décès
en 1921 d'Abdu'l-Bahá, le fils de Bahá’u’lláh et l'interprète de ses
enseignements. Louise s'est lancée dans un projet artistique avec de
nombreux amis, créant un « manteau d'unité » rappelant les manteaux
persans portés par 'Abdu'l-Bahá, décorés de perles. Son doux défi à ses
auditeurs était de dédier des actes de réconciliation, même minimes, à
sa mémoire.
La défaite du Harfang des neiges a conduit les collectivités en aval à
se souvenir de la tragédie et à en tirer des leçons. Louise est
également galvanisée par l'étonnante promesse d'Abdu’l-Bahá, que si les
peuples autochtones d'Amérique du Nord « étaient éduqués et guidés...
ils deviendront si illuminés que la terre entière sera illuminée ».
Leur résilience et leur force croissante témoignent de ce que
Bahá’u’lláh a annoncé au monde du XIXe siècle, alors que le
colonialisme européen et un matérialisme cancéreux devenaient de plus
en plus puissants :
« Sache, en vérité, que ces grandes oppressions qui se
sont abattues sur le monde le préparent à l'avènement de la Très Grande
Justice. ».
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